Elle court, elle court l'infirmière
Legimi
Découvrez le témoignage intimiste d'une infirmière travaillant dans le monde des Ehpad, luttant contre les conditions de plus en plus difficiles. Si la France compte 1,2 million de personnes âgées dépendantes aujourd’hui, elles devraient être 1,8 million en 2050. Cette augmentation inquiète les professionnels de la santé car le manque d’effectifs n’est pas près d’être pallié. Éva Silvio, infirmière ayant exercé dans divers secteurs, nous immerge dans le monde des Ehpad – Établissements d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes – et nous invite à réfléchir sur la considération des seniors, sur les valeurs de respect et d’humanitude, et sur les réelles possibilités de les appliquer. Horaires aberrants, manque flagrant de personnel, difficultés de communication, matériel peu pratique ou inexistant… Éva Silvio nous raconte, sur un ton humoristique, son quotidien d’infirmière en Ehpad. Coincée entre son amour du métier et une réalité de plus en plus difficile à vivre, elle dresse des portraits attachants de ses patients et de ses collègues et revient sur les moments forts de sa carrière. Sans être militante, Eva Silvio dénonce les conditions déplorables dans les centres d'hébergement pour personnes âgées et nous invite à réfléchir sur les améliorations à apporter ainsi que sur les valeurs essentielles, respect, humanitude, bienveillance et compassion, de plus en plus délaissées dans notre société... EXTRAIT — On ne peut pas le renvoyer, le médecin qui le suit ne peut pas le shooter, et moi, je dois m’en aller. Tout va bien se passer, vous verrez, et n’hésitez pas à m’appeler ! Surtout pour un décès ! Il l’a fait ! Il est parti ! Les autres aussi, même l’infirmière coordinatrice qui avait enfin repris. Et au service du soir, le cirque a recommencé. En bon mécano, il aime bien vidanger. Sauf que ce n’est pas toujours dans son atelier. Déjà que souvent, dans la journée, il se dévêt et apparaît dans le couloir dans le plus simple appareil ! Cela amuse certaines qui, depuis un moment peut-être, n’ont plus vu de bougie ou de clé à molette, appelez ça comme vous voulez. Mais nous, nous trouvons cela bien triste. En ce vendredi soir, il a décidé de nous en faire baver. Il ne le fait pas exprès, bien sûr. Le temps de servir quelques plateaux aux personnes en chambre, il a baissé son pantalon et s’est soulagé, en pleine salle de restauration. Dame Nature l’a titillé et nous avons toutes été choquées, surtout pour tous les autres résidents. Ce n’était pas beau à voir. Les aides-soignantes ont bien râlé : il avait barbouillé sa chaise, celles des autres, la table, et même le pilier derrière. Sa voisine, très perturbée sur le plan cognitif, y a mis les mains, pensant tâter quelque douceur chocolatée. Les aides-soignantes, au bord des larmes, ont vite tout astiqué, car beaucoup attendaient leur aide pour prendre leur repas. Carole, pendant ce temps, l’a emmené à la douche et mis en pyjama – il fallait bien lui rendre sa dignité. J’étais complètement écœurée, et prise d’un fou rire nerveux, j’ai poursuivi ma tâche. J’ai bien pensé à appeler monsieur le directeur, mais à cette heure je n’avais plus le temps. À PROPOS DE L'AUTEUR Éva Silvio a été infirmière pendant presque trente ans. Son parcours est riche d’expériences professionnelles très variées. Usée par les conditions de travail qu’implique sa fonction, malgré une motivation sans cesse renouvelée, elle a récemment troqué ses seringues pour des stylos, et s’est reconvertie, toujours dans un but d’entraide, en écrivain public.
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