Vous savez docteur ça fait longtemps que je suis vieille
Legimi
Que se cache-t-il réellement derrière les murs des EHPAD ? EHPAD, cet acronyme d’Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes, est maintenant passé dans le langage courant et pourtant ils n’existent que depuis le début des années 2000 lorsqu’ils ont remplacé les anciennes maisons de retraite. EHPAD n’est pas un joli nom et on en parle plus souvent en mal qu’en bien au point d’évoquer, parfois, un "EHPAD bashing". Beaucoup de gens ont été, sont ou seront concernés par ce genre d’établissement et pourtant ces lieux restent mystérieux, sont mal appréhendés et nourrissent les phantasmes. L’EHPAD est défini comme un lieu de vie et même s’il s’agit de la dernière étape de la vie et, quelle que soit la dépendance dont on souffre, l’EHPAD se doit de respecter les droits, les libertés, la dignité de chacun… et cela est fait dans de nombreux établissements. Le docteur Franck Zeiger, spécialisé en médecin générale et en accompagnement de fin de vie, nous donne son point de vue dans ce témoignage. EXTRAIT La maltraitance peut exister sous des formes assez pernicieuses. Ainsi cet EHPAD « tenu » par la représentante du personnel qui décidait de tout, y compris de la politique de soins menaçant de procédures diverses et variées une direction apeurée. Alors que je demandais à cette personne à quand remontait sa dernière formation professionnelle, elle me répondit sans sourciller : « plus de 7 ans ». Son activité au sein de l’établissement n’était, depuis bien longtemps, plus axée sur les soins mais sur les avantages divers et variés qu’elle pouvait obtenir. Dans cet établissement ainsi « géré », la variable d’ajustement était le résident qui sous une forme de terreur, ne disait plus rien et s’il osait se plaindre avait droit à la contention physique, la camisole chimique ou l’unité protégée devenue le lieu de sanction ultime… Loin des beaux discours, la réalité peut être choquante. Alors que chaque établissement, chaque association peut lutter contre la maltraitance, la volonté manque parfois pour « se battre » pour les résidents. Entre une personne âgée dépendante, souvent démente, dont la parole est facilement remise en cause et son personnel, son organisation, certaines institutions renoncent et cèdent à la facilité : on laisse faire. J’ai ainsi été licencié d’un établissement associatif pour « manque de loyauté » envers l’association. Seul à faire remonter les actes de maltraitance constatés mais « acceptés » par le plus grand nombre au sein d’un établissement s’étant perdu, il me fut reproché de ne pas avoir dissuadé une fille de porter plainte suite à un acte de maltraitance, avéré, qu’avait subi son père. Lors des entretiens préalables à ce licenciement, aucun remord quant à la maltraitance qu’avait subie ce monsieur mais une volonté de « maintenir la paix sociale » en évitant de remettre en cause les pratiques du plus grand nombre. Jusqu’à cette ultime facilité : séparons-nous de celui qui signale et les signalements cesseront ! Ce qui fut fait au grand damne de la fille du résident maltraité et des quelques soignants en capacité de s’indigner. Une phrase terrible fut d’ailleurs prononcée : « Si on vous soutient, ils vont se mettre en arrêt… ». À PROPOS DE L'AUTEUR Franck Zeiger est docteur en médecine avec une spécialisation en médecine générale. Il a exercé en Chine, à la maison d’arrêt de la Santé et en cabinet de ville en Seine Saint-Denis pour actuellement ne se consacrer qu’à la coordination médicale en EHPAD. Le Docteur Zeiger a fait le choix de travailler auprès de personnes âgées, non plus pour « sauver » des vies mais pour accompagner la vie dans sa dernière partie.
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