Un roman naturel
Legimi
Un roman naturel est le premier grand roman de la génération des années 1990, comme on appelle en Bulgarie la génération de la rupture. Traduit dans près de vingt langues, maintes fois réédité, il catapulte son auteur sur le devant de la scène littéraire et devient l’œuvre fondatrice du postmodernisme bulgare. L’enjeu d’ Un roman naturel tient dans l’impossibilité de raconter du début à la fin et dans l’ordre chronologique une expérience personnelle douloureuse et indicible, en l’occurrence un divorce, après que la femme du narrateur lui annonce être enceinte d’un autre homme. C’est donc l’histoire d’un homme qui se sépare de sa femme – et de ses chats. C’est l’histoire d’un homme qui voudrait vivre quelques jours en clochard afin de pouvoir raconter l’histoire d’un type qui, pour écrire un roman dont le héros est un clochard, s’est fait clochard lui-même. C’est une histoire du monde vue du point de vue des mouches – un récit aux mille facettes qui démultiplient ce que nous appelons la réalité ; c’est une histoire des toilettes, publiques et domestiques, haut lieu de la dissidence à l’époque du communisme ; c’est un roman drôle et nostalgique à la fois dans lequel son auteur confie : « J’aimerais que l’on dise : Ce roman est beau parce qu’il est tissé de doutes. » Un récit aux mille facettes... Surprenant ! EXTRAIT Nous nous séparons. Dans le rêve, la séparation n’est liée qu’au fait de quitter la maison. Tout, dans la pièce, est emballé, les cartons s’entassent jusqu’au plafond, et pourtant on a l’impression d’espace. La famille – la mienne et celle d’Ema – remplit le couloir et les autres pièces. Ils chuchotent, murmurent, dans l’attente de ce que nous allons faire. Ema et moi, nous sommes debout près de la fenêtre. Il ne nous reste plus qu’à partager une pile de disques. Brusquement, elle sort le plus haut de sa pochette et le jette avec force par la fenêtre. Celui-ci est à moi, dit-elle. La fenêtre est fermée mais le disque passe au travers, comme si c’était de l’air. Instinctivement, je sors le second et le lance également. Le disque plane, telle une soucoupe volante, tourne autour de son axe comme s’il était posé sur le tourne-disque, mais plus rapidement. On entend son sifflement. Quelque part au-dessus des bennes à ordures, il se dirige, menaçant, vers un pigeon crasseux qui vole bas. CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE C’est fou. Absurde. Impensable. En apparence confus mais d’une fluidité incroyable… Un ‘‘roman à facette’’ comme se plaît à le définir Guéorgui Gospodinov lui-même. Et toujours cet emploi de métaphores originales où la poésie aime se nicher… Très beau roman, aussi déroutant que dépaysant et qui, forcément, fait mouche. - Stéphanie Fréminet Il y a quelque chose d’entraînant dans la propension de ce roman à refuser obstinément de se réduire à quoi que ce soit. - The New Yorker À PROPOS DE L'AUTEUR Guéorgui Gospodinov est l’un des auteurs phares de la jeune génération des écrivains bulgares. Son premier roman, Un roman naturel, traduit en plus de vingt langues, a renouvelé profondément la prose bulgare, redonné goût aux lecteurs de lire des œuvres bulgares et fait du roman le genre dominant dans la littérature bulgare du XXIe siècle en lieu et place de la poésie. La plupart de ses œuvres ont connu un immense succès en Bulgarie. Il a reçu plusieurs prix nationaux et est, à ce jour, l’écrivain bulgare contemporain le plus lu dans son pays et le plus traduit. Il est aussi l’auteur de nouvelles et d’essais, poète, dramaturge et critique littéraire. Physique de la mélancolie, son second roman, a fait partie des quatre finalistes du Prix Strega en 2014 et a reçu le Prix Jan Michalski de littérature 2016.
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