Par les liens forcés du mariage
Legimi
Dans notre pays comme ailleurs, le mariage forcé est encore loin d'être relégué au passé... Des centaines de jeunes filles continuent, chaque année, tant dans notre pays que dans d’autres, d’être liées à un homme contre leur gré au nom de la tradition ou d’une image figée du rôle de l’épouse. Pratique très ancienne, considérée aujourd’hui comme une atteinte aux droits humains par les Nations unies, le mariage forcé est l’union d’une personne à une autre contre sa volonté, le plus souvent avant l’âge de 18 ans. L’auteure de ce livre, devenue femme politique, a elle aussi, enfant, nourri de beaux rêves, comme des millions de filles de son âge. Elle s’imaginait faire des études, exercer un beau métier, vivre une vie amoureuse avec un homme qui partagerait ses idéaux. Mais ceux-ci seront brisés par des traditions qu’elle désapprouve. Prise dans le piège d’un mariage forcé, épuisée par des manipulations diverses et culpabilisantes, elle va de guerre lasse s’y soumettre, après une promesse mensongère « de pouvoir retourner au lycée et de passer son bac ». Elle ne passera pas son bac. Au-delà d’un témoignage étayé à l’écriture brûlante, Fatiha Saidi, avec ce livre, dresse un constat, celui de la persistance d’un modèle archaïque qui a troqué sa phase de violence physique contre celle, plus insidieuse, de la manipulation mentale. Découvrez ce témoignage interpellant d'une jeune femme qui pensait pouvoir poursuivre ses rêves d'indépendance malgré un mariage imposé au moyen de manipulations. EXTRAIT Je n’arrive pas à m’adapter à cette vie conjugale. Les journées s’étirent au gré des tâches ménagères et de la préparation des repas dont je m’acquitte avec brio, car j’ai fréquenté, en la matière, l’université hors catégorie dirigée par ma mère hyperactive, exigeante, rigoureuse et maniaque. Un grain de poussière, un objet mal présenté sur une commode, un plat incorrectement préparé sont autant d’échecs qui mènent au refus de la licence ès fée du logis. Je ne tire aucune satisfaction de ce grade qui m’a fait accéder à une vie en noir et blanc, contrairement à Amar qui ne semble nullement incommodé par mes états d’âme et mon refus, pourtant clairement affiché, de lui concéder une quelconque part d’intimité ou de sentiment amoureux. Mes journées sont noires, et mes nuits blanches, lorsqu’elles tombent, me font glisser dans le lit en espérant qu’Amar dorme et qu’il me laissera en paix. Parfois, je feins de dormir pour éviter ses assauts, mais il n’hésite pas à s’emparer de mon corps, qui lui appartient en toute légalité. Alors, pour écourter le supplice, je me laisse faire et m’abandonne à ses envies. En finir, et vite. Dans cette descente aux enfers, j’attends avec impatience la journée du samedi où je retrouve ma famille, et surtout ma petite sœur et mon amie Martine à qui je confie mon mal-être et ma tristesse. Elles sont impuissantes face à ma situation, mais leur oreille bienveillante me permet d’alléger le contenu du fardeau qui s’alourdit, rempli de mille et une meurtrissures, tracas, relations sexuelles — ou plutôt viols permanents… Nous rendons aussi visite aux cousins d’Amar qui sont, comme leurs épouses, bien aimables, mais nous n’avons pas grand-chose à nous dire ou à partager hormis quelques banalités. À PROPOS DE L'AUTEUR Fatiha Saidi titulaire d’un Master en psychopédagogie, occupe depuis de nombreuses années des fonctions sociales et politiques. De 1999 à 2018, elle a été Députée, Sénatrice, membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et Adjointe au Maire. Féministe et engagée, elle s’investit sans relâche dans les thématiques liées à l’égalité, aux droits humains et au devoir de mémoire.
51.87 PLN