Le sacrifice se conjugue au féminin
Legimi
Est-ce vraiment la volonté d'Allah qu'une femme soit faible et asservie ? Quand il fait un travelling arrière sur son passé, en Aïcha, Hadi ne voit pas sa mère. Il voit en elle le symbole du dévouement, de la servitude, de la résignation et du don de soi. Elle ne s'était jamais rebellée ni n’avait contesté son statut d'esclave. Peut-être, dans des moments de profonde solitude, elle s'était plainte de son sort ou elle s'était posé des questions sur ce qu'elle aurait pu faire de mal pour mériter cette peine ! Elle croyait que c'était réellement la volonté d'Allah et que toutes celles qui songeaient à faire autrement n'étaient que des complices de Satan. Une femme doit craindre Allah, le Prophète et tous les hommes. Une femme est faible, fragile et par conséquent source de malheur, pensait-elle. À son mari et à Sidi, elle leur devait obéissance inconditionnelle, respect absolu et effacement total. Aux autres enfants, elle leur devait corvées et labeur. Dans ce roman, Hadi revient sur le passé et sur les souvenirs qu'il garde de sa mère, une femme dévouée, obéissante et effacée. Un récit touchant qui soulève de nombreuses questions. EXTRAIT — Mais pourquoi mes oncles me cherchent, je n’ai rien fait de mal ? s’inquiéta Houda. — Pour les éclairés comme moi, tu n’as pas fait de mal. Mais pour les obscurs ignorants, et la ville en regorge, tu t’es affranchie des traditions et tu as mis l’honneur de ta famille sur la place publique. Ne perds pas de temps, ils ne vont pas tarder à repasser. Si tu ne sais pas où aller, dirige-toi vers La Mecque et marche. Et, si on te demande ta destination, dis-leur La Mecque. Ça atténuera leurs éventuelles intentions malsaines, aux mécréants. — Je veux bien le faire, mais je n’ai jamais mis les pieds hors de chez moi. Et, je n’ai pas le moindre dirham, même pour acheter une galette de pain. — Ma fille, dans les circonstances actuelles, dis-toi que l’argent ne t’aidera pas beaucoup. Si tu tiens à ta vie, il faut avoir une conscience irréprochable. Du besoin matériel, tu peux avoir tout ce que tu veux, il te manquera le dernier jour. Ta conscience, tu mourras avec. Elle ne t’abandonnera guère, dit-il. — Comment dois-je faire pour veiller sur ma conscience ? Il y aura bien des jours où il me sera difficile de choisir ou de comprendre ? — Tu verras mon enfant, c’est facile, il te suffira de rester digne en toutes circonstances. Quand tu dois choisir, pose-toi cette question : est-ce digne de moi ? Houda se releva, le salua et lui demanda : — Pouvez-vous m’indiquer la direction de La Mecque, s’il vous plaît ? — C’est par là. Et si tu ne sais plus, le matin tu marcheras face au soleil et, l’après-midi tu marcheras dos au soleil. Puis il mit sa main dans une poche de sa djellaba, sort un mouchoir en aumônière contenant quelques dirhams et dit à Houda : — Approche petite. Elle s’exécuta, il lui tendit le bras pour lui donner l’aumônière. Elle en fit autant en tendant la main pour la prendre. Aussitôt, il retira son bras et lui dit d’un air professoral : — Tu ne tendras la main que pour donner. Pour accepter un geste de générosité, laisse l’opportunité au donateur de déposer son offrande, mais ne tends jamais la main. C’est une basse habitude qui s’apprend vite et mettra à terre ta dignité. À PROPOS DE L'AUTEUR Hamda Ouakel est né en Tunisie dans une famille Arbi (Intouchables en Inde) nombreuse et miséreuse, pendant une nuit sombre, peu de temps avant l’indépendance. Exilé politico-économique et installé en Suisse depuis bientôt quarante ans où il a fait ses études et a recréé une famille, il se bat aujourd’hui contre les discriminations en général et plus particulièrement contre celles dont seules les femmes sont la cible.
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