Cerveau et éthique
Legimi
En se fondant sur la neurobiologie, les deux auteurs apportent un nouvel éclairage sur le fonctionnement de l'être social. La morale nous amène à juger les autres et à nous juger nous-mêmes. C'est une acquisition évolutive récente, propre à l'espèce humaine, liée à la capacité d'abstraire la réalité concrète au travers du langage. En portant des jugements, l'homme peut trier ses pensées et choisir un comportement qui lui semble adapté. Mais ces jugements ne nous aident pas à vivre ensemble. Ils sont source de conflit autant que d'entente. Nous sommes pourtant une espèce sociale. Nous sommes faits pour vivre ensemble. Nous le devons à un trait beaucoup plus ancien que le langage : l'empathie, la capacité de percevoir les émotions que ressentent les autres. C'est de cette empathie que résulte l'entente, au travers d'une éthique. L'éthique met en valeur l'individu, elle est fondée sur la compréhension plus que sur le jugement. Les conflits culturels, la corruption, les inégalités, sont les conséquences de l'inefficacité de la morale. Plutôt que les réprouver au nom du bien et du mal, il faut les comprendre et tenter de les maîtriser. Ce n'est pas un hasard si le médecin et le financier se sont mis d'accord sur ce point. Ils considèrent que les explications sociales, économiques, historiques ne vont pas au coeur des problèmes. Le médecin s'est fondé sur les acquis récents de la neurobiologie, le financier fait état de son expérience dans la création d'une société visant à la certification éthique des entreprises. Une étude scientifique inédite de deux comportements sociaux antagonistes : l'empathie et le jugement. EXTRAIT Nous sommes faits pour nous entendre. La nature le veut ainsi. Elle a fait de nous des êtres sociaux en développant dans notre cerveau un trait inné qui est l’empathie. L’empathie ne nous amène pas à nous aimer mais à nous comprendre. Elle consiste à percevoir ce que ressent l’autre, à s’associer à lui et à collaborer avec lui. Et pourtant nous sommes souvent en désaccord, en conflit même. C’est en raison d’un autre trait inné de notre fonctionnement mental : pour gérer nos pensées et nos comportements, nous devons les choisir, par conséquent les juger. Nous jugeons parfois rationnellement mais le plus souvent émotionnellement, au travers de nos sentiments. Nous jugeons les paroles, les actions, les événements, nous nous jugeons nous-même et nous jugeons les autres. Notre cerveau fonctionne ainsi et c’est ce qui contribue à nous donner la conscience et la compréhension. En fin de compte, notre échange avec les autres est conditionné par ces deux particularités opposées, spécifiquement humaines : d’une part l’empathie et la confiance qui nous rapproche les uns des autres, d’autre part les jugements de valeur qui nous amènent à nous entendre ou à nous confronter au nom du bien ou du mal que nous définissons chacun à notre manière, au nom de nos morales respectives, variées et fluctuantes. Nos cultures, l’histoire de nos civilisations, notre comportement actuel sont la conséquence directe de cette opposition qui se déroule dans notre cerveau. Il vaut la peine de se pencher sur ce double aspect de notre fonctionnement mental, pour essayer de comprendre si nous sommes des congénères qui se comprennent dans l’empathie ou des juges qui se confrontent dans l’intolérance pour un bien et contre un mal qu’ils ont eux-mêmes inventés. D’une manière inhabituelle et quelque peu arbitraire, nous définissons ici comme éthique ce qui relève de l’empathie, et comme moral ce qui relève des jugements de valeur. À PROPOS DES AUTEURS Georges-Antoine Borel est docteur en médecine. Il a été enseignant à la Faculté de médecine de l'Université de Lausanne. Pascal Borel a créé plusieurs sociétés financières. L'une d'elles, en cours de création, concerne l'éthique au sein des entreprises.
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