Azure
Legimi
Neuf textes courts comme autant de petites perles noires, en lettres blanches. Je m’appelle Marguerite S. Je m’appelais. Je ne sais pas. Je sais que je m’appelle Marguerite S., je sais mon nom. Si quelqu’un disait, appelait « Marguerite S. », là, maintenant, je saurais que c’est moi, que c’était moi. Je ne peux pas l’oublier, mon nom. Je sais que c’est mon nom. C’est comme un éclair, très beau. J’ai existé, moi, Marguerite S. Personne ne le dit, personne ne m’appelle. On n’effacera pas ça, on ne me l’ôtera pas. Même si c’est fini, même si ça a été très, très bref. Un clignotement, même pas un éclair. Ou bien on me l’a déjà ôté. Ils m’ont donné ça, au hasard, la vie, un nom. Ils ne savent pas ce qu’ils font. Qui je suis. Donner, reprendre. C’est tellement facile. De me faire morte avant que d’être née, mort-née, ou née juste pour mourir. Azure est un recueil de chevet à lire et à relire au long cours d'une nuit sans sommeil, en silence. Un ouvrage à la frontière du poème en prose qui aborde les thèmes de l’amour, de la solitude et de l’abandon. EXTRAIT DE EMPORTE-MOI Emporte-moi. Ne me demande rien, emporte-moi. Si tu veux. Toi ou un autre. Qui voudra. Loin, je ne veux pas savoir où, mais loin, ailleurs. Peu importe le décor, je ne verrai pas le décor, je garderai les yeux fermés. Emporte-moi là où je me reposerai, les yeux fermés. Je ne verrai même pas ton visage, peu m’importe ton visage ; ce qui m’importe, c’est que tu veuilles, ou veuilles bien, m’emporter. T’occuper de tout. Pas de moi, mais de tout. De moi uniquement pour m’emporter, comme on le ferait d’un colis, d’un bébé, d’un être gravement handicapé. CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE Dans ces cadres resserrés se déploient soliloques et litanies — des phrases courtes égrenées par associations sonores autant que d’idées, et qui produisent vite un effet légèrement hypnotique. Il y a du Beckett dans cet art de l’infiniment petit où le réel semble se réduire au fil de la conscience ou de la voix. En plus doux, plus chantant. Mais le passage du temps et la mort sont toujours au cœur du calme et de l’élégance — comme une fêlure dans l’azure. - Le nouveau blog littéraire de Pierre Ahnne À PROPOS DE L'AUTEUR Alain Defossé est un écrivain et traducteur français né à Nantes le 11 février 1957. Il est l'auteur d'une dizaine d'œuvres littéraires et le traducteur, entre autres, de Lawrence Block, Joseph Connolly, Sarah Waters, Chuck Palahniuk, Anaïs Nin, Henry Miller et Bret Easton Ellis.
22.51 PLN