Amère patrie
Legimi
Un roman régional historique nourri de témoignages de familles belges de la Seconde Guerre mondiale Dans le décor hallucinant d'une guerre qui les déchire, deux familles, l'une des Cantons de l'Est et l'autre de l'Ardenne, sont suivies à travers les périples de leur dislocation et de leur solitude. Ce roman, qui se présente comme une chronique aiguë et sans concessions à la réalité de l'Histoire, met en scène des personnages entiers et fidèles à leurs racines. Des images fugitives, des rêves d'un soir et leurs souvenirs mille fois revécus les empêchent de sombrer dans une déshumanisation mortelle. Au-delà d'un récit remarquablement construit où l'action, la tragédie et les évocations poétiques de la nature se succèdent, l'auteur nous livre une analyse tendre et lucide des rapports humains en des temps où la peur et le désespoir écrasent les consciences. Au-delà d'un récit remarquablement construit, l'auteur nous livre ici une analyse tendre et lucide des rapports humains en des temps où la peur et le désespoir écrasent les consciences... A PROPOS DE L'AUTEUR Armand Henrion est né en 1950 à Mandeffeld. Il est licencié agrégé en philologie germanique en 1972 à l'Université de Liège et directeur du Département de Pédagogie (ILES Bastogne) de la Haute Ecole Blaise Pascal. EXTRAIT Franz. Arlon, le 8 mai 1940. La grande salle d’étude bruissait du froissement des pages tournées. Les pupitres montaient et descendaient au gré des devoirs et des leçons qu’on commence et qu’on finit. Juché sur son perchoir au coin de la grande salle, frère Albert parcourait l’assemblée des étudiants d’un regard rasant par-dessus ses grosses lunettes. Il avait hérité d’un tel strabisme divergent qu’il était passé maître dans l’art de ne jamais permettre à ses proies de savoir qui était surveillé du haut du mirador. C’était la redoutable garantie d’une bonne atmosphère d’étude. Frère Albert avait une voix tonitruante, et les garçons sursautaient à l’annonce fracassante de leur nom, suivi de l’implacable injonction « page 30 », ou « page 52 ». La sentence était tombée : vingt copies manuscrites de la trentième page du cours de religion, et récitation le lendemain soir au début de l’étude. Il croyait dur comme fer à ces punitions aussi simples que fastidieuses, même si son propre cours de pédagogie, étudié aussi par cœur il y a quinze ans déjà, ouvrait le premier chapitre par cette merveilleuse phrase : « Un bon instituteur doit aimer ses élèves et comprendre la nature de leur âme. » Ça, c’était les idées de ses maîtres de formation, mais lui était surveillant depuis quinze ans dans la même salle d’étude, sans avoir donné la classe plus d’un mois après l’obtention de son diplôme.
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