Variations sur le regard
Legimi
Comme l'auteure, laissez-vous porter de regard en regard... « Le regard est volontiers assimilé à une fenêtre sur la pensée, sur les sentiments ou sur l’âme. Mais gardons-nous d’approuver pleinement la métaphore dans la mesure où la maîtrise que nous en avons autorise bien des camouflages, voire des travestissements. », constate Dominique Godfard qui, au départ, voulait simplement écrire un billet sur les échanges et dérobades entre regards (par exemple, le sentiment d’être devenu transparent aux yeux du garçon de café alors qu’on voudrait passer sa commande ; ou bien, dans la rue, le contraire à l’approche d’un mendiant qu’on s’efforce d’effacer de son champ visuel). Puis ce premier billet en a suggéré d’autres, de plus en plus nombreux puisque parmi ses définitions (13 dans le Littré !) le regard, c’est aussi la manière dont on regarde. C’est ainsi que l’auteure, aidée de ses souvenirs et, parfois, de quelques belles citations, s’est laissée porter de regard en regard... Plongez-vous sans plus attendre dans cet ouvrage composé d'une multitudes de billets sur le regard, ses significations et ses non-dits. EXTRAIT DE Le regard qui se cache Du regard qui se défile, effrayé à la perspective d’affronter celui d’autrui, il n’existe qu’un pas au regard qui se cache derrière les paupières légèrement tirées vers le bas comme un store à moitié baissé, ou à l’abri d’un lointain point d’observation sur lequel il s’immobilise, ou encore, derrière les verres teintés de lunettes de soleil. Une des raisons courantes de ces manœuvres d’évitement est de ne pas attirer l’attention sur soi, comme si l’on devenait transparent du moment qu’on ne regarde pas l’autre… Au fond, les yeux auraient la faculté presque physique de « taper » dans la prunelle d’autrui pour dire « Coucou ! C’est moi. Je suis là… » et donc de faire remarquer sa présence, ou, à l’opposé et au nom d’une réciprocité que personne n’a jamais démontrée, de n’être pas vu d’autrui si on ne le regarde pas. Ainsi, ces souvenirs scolaires des yeux de la maîtresse au moment où elle va appeler un élève au tableau ; un faisceau qu’on sent passer sur soi comme la lumière d’un phare fouillant la crête de la classe tandis qu’on fixe avec une extraordinaire intensité n’importe quel point de son pupitre, tête baissée, avec l’espoir qu’on n’entendra pas son nom ! À PROPOS DE L'AUTEUR Née à Casablanca, Dominique Marie Godfard a quitté le Maroc à 22 ans. Elle a vécu à Paris, à Londres, et habite depuis neuf ans la Basse-Normandie. D’abord nouvelliste, elle s’est tournée en 1999 vers le roman ( La Pampa) et vient de publier : Le bus pour Drancy (roman, 2014), Une année percheronne (Journal, 2015) et Le bonheur passait, il a fui ! (Nouvelles, 2016). Elle a un site http://lamachineaecrirededominique.wordpress.com/ et nourrit de ses lectures son blog : http://des-livres-et-moi.blogs.nouvelobs.com/.
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