Toutes des salopes
Legimi
Pourquoi l’insulte est-elle sexuelle, dans un contexte qui ne l’est pas ? C’est un fait : les injures sexuelles sont opposées aux femmes quand elles sont là où elles dérangent ; là où la distribution machiste des rôles suppose qu’elles n’apparaissent pas. C’est précisément ce déplacement des femmes dans l’espace public, au volant, à la tribune de l’assemblée nationale ou à la tête d’un ministère qui provoque l’assaut verbal sexiste. Les exemples recensés ne laissent aucun doute sur l’ampleur de ce phénomène qui se conjugue à celui du harcèlement sexuel. nous paraissent anodines, leur étymologie révèle le contraire. Et cela vaut également pour les hommes qui ne correspondent pas aux stéréotypes de la virilité. L’histoire le démontre - et le livre analyse ce phénomène depuis le 17e siècle - le but premier de ces insultes vise à réduire celles et ceux à qui elles sont adressées à leur seule dimension sexuelle pour les empêcher d’exister en tant que sujet à part entière. Aujourd’hui, ce n’est pas uniquement le scandale Weinstein qui a « libéré la parole ». Depuis 2011, les comportements de DSK, les accusations contre Denis Baupin en France suivis par les vulgarités sexistes de Donald Trump ont coïncidé avec la réplique d’une jeune génération qui a décidé de ne plus se laisser faire. Le dernier chapitre donne la parole à ces filles d’aujourd’hui qui, avec beaucoup de créativité, partagent de nouvelles formes de riposte au sexisme quotidien, autant de signes que quelque chose a changé et doit continuer à changer. Un décryptage du phénomène sexiste par une analyse du langage et plus spécifiquement des injures sexuelles. EXTRAIT À chaque génération, le lexique des injures sexuelles s’enrichit en même temps qu’il se déleste d’expressions obsolètes, dès lors censées perdre de leur pouvoir nocif. Quoique. Vieillie ou trendy, l’insulte sexuelle salit et rabaisse toujours la personne qui en fait les frais à une fonction supposée ainsi qu’à ses organes génitaux. Derrière le « trait d’humour », il s’agit avant tout d’installer un rapport de domination. Ce rapport se nourrit de l’embarras de l’insulté ; l’infériorisation de la victime sert de justification à l’insulteur qui s’en rengorge et confirme par là sa supériorité. L’autre n’est pas un sujet, mais à la fois objet de la moquerie et individu noyé dans un tout indifférencié : les femmes sont ceci, les homos sont cela… « Toutes des salopes ! » constitue l’interjection emblématique de cette dissolution du singulier dans un ensemble. Réduites à leur sexe, les femmes seraient « toutes les mêmes » À PROPOS DE L'AUTEUR Historienne, diplômée de l’Université Libre de Bruxelles et psychanalyste, Sylvie Lausberg travaille également comme directrice du département « Étude & Stratégie » du Centre d’Action Laïque. Dans ce cadre, elle a réalisé deux moyen métrage à destination du grand public ; le premier sur l’histoire du droit à l’avortement en Belgique, le second sur la déportation des Juifs de Belgique et la rafle du 3 septembre 1942 à Bruxelles. Impliquée dans la transmission d’un savoir scientifique au plus grand nombre, elle a publié plusieurs ouvrages et articles de fond, parallèlement à une carrière de journaliste dans la presse écrite et à la Radio-Télévision belge depuis 1987.
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