La Horde enracinée

La Horde enracinée

Legimi

Saga de la famille d'Agholi. La vie de Turkmènes d'Iran, et plus particulièrement de la famille d'Agholi, sédentarisés mais toujours nomades dans l'âme. Un témoignage passionnant. Plongez dans un récit épique, une évocation haute en couleurs, et découvrez un témoignage qui se lit comme un roman et offre un voyage dans un monde aujourd'hui inaccessible. EXTRAIT Il arrive cependant qu’il refuse de soigner certains déments. Non qu’il les craigne ‒ il sait parfaitement maîtriser les furieux et possède à cet effet un assez joli assortiment de menottes, de chaînes et de cadenas ‒ mais il sait très bien que la folie peut avoir des causes bien mystérieuses et qu’il serait sacrilège de vouloir guérir certains cas dont il soupçonne l’origine divine. Par contre il n’hésite jamais à croiser le fer avec Iblis2 et les divers cheïtans de sa suite habituelle quand ils se sont emparés d’un malheureux. Il permet volontiers qu’on assiste aux séances d’exorcisme. Mais il exige des spectateurs qu’ils se tiennent immobiles et surtout silencieux. Après l’avoir installé sur un espace délimité par un cercle tracé du bout d’un bâton, Raïdjabali se met à danser devant son patient. Il tourne et virevolte sur un pied puis sur l’autre, en agitant des grelots et des chapelets de petits os. Il pousse aussi de grands cris effrayants en faisant tournoyer un sabre ou une baguette de fusil. Soudain, au milieu d’un moulinet et bien avant qu’on ait le temps de comprendre son intention, il enfonce son arme dans l’œil du malade ou lui transperce le biceps. Le plus étrange c’est qu’aucune plaie n’en résulte. Raïdjabali assure que c’est le djinn qui a récolté la blessure. Quand les coups ont bien porté, l’esprit s’enfuit et, avant de disparaître complètement, il reste quelques instants dans un angle du plafond, derrière une poutre, invisible, à faire « Piou ! Piou ! » comme un petit poulet. A ce moment-là, le porkhond tombe à terre. Il sue. Il suffoque. On dirait que le combat qu’il vient de mener l’a épuisé et qu’il est à deux doigts de succomber. Il bave et grogne. Quand il se calme et que son souffle redevient normal, il s’effondre dans un sommeil de plomb dont il ne sort qu’au bout de plusieurs heures. Ensuite, pour prolonger ou assurer le traitement, il donne un petit sachet de tissu dans lequel sont cousues des « choses ». Le patient doit le porter sur lui, puis le brûler à la fin du septième jour. Si par curiosité on ouvrait le sachet il y aurait de grandes chances de retomber dans la folie, Raïdjabali insiste beaucoup là-dessus. À PROPOS DE L'AUTEUR Alain de Bures est Zootechnicien, il a été actif dans le milieu des ONG en Asie-Centrale, notamment l'ONG française CIDR (Compagnie Internationale de Développement et de Recherche).

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