La blessure de la rencontre
Legimi
Comment réhumaniser notre économie capitaliste ? L’économie moderne, au moyen des contrats et du marché, évacue les relations personnelles directes. En garantissant une sécurité maximale, elle évite le contact avec les autres, qui est toujours source de blessures. Mais elle élimine aussi le bonheur de la rencontre avec l’autre. Un économiste napolitain du XVIII siècle, Antonio Genovesi, disait : « C’est une loi de l’univers que nous ne pouvons pas faire notre bonheur sans faire celui des autres. » Pour lui, la réciprocité – pas seulement la relation – est l’élément caractéristique de la socialité humaine. Il est illusoire de croire que la recherche de l’intérêt personnel est la seule chose qui compte et que , par une « main invisible », la satisfaction de l’ensemble des intérêts personnels contribue au bien commun. L’auteur développe les idées de Genovesi en expliquant un concept nouveau élaboré par des économistes contemporains : les biens relationnels et leur corollaire indispensable, la gratuité. Il revisite sur cette base l’idée de responsabilité sociale de l’entreprise, de bien commun et d’entreprise comme communauté. Il montre comment des expériences économiques ouverte sur la gratuité du rapport avec l’autre peuvent offrir une issue à la crise que nous traversons. Ainsi pourrait se développer une « économie civile », à la recherche d’une vie humaine et plus heureuse, sans nier les difficultés et le risque qu’une telle opération porte en soi. Un regard novateur sur la place à donner aux relations humaines dans notre économie de marché. EXTRAIT Imaginez... une ville sans immeubles bruyants et sources de disputes, où chaque famille possède sa petite villa isolée acoustiquement et visuellement des autres, de telle façon qu’aucun voisin ne puisse déranger qui que ce soit ; une ville où les quelques gratte-ciel restés debout sont construits de façon à éviter toute rencontre dans les escaliers ou sur le palier ; une ville où, dans les bureaux ou sur son lieu de travail, on communique uniquement par mail ou par Skype pour les décisions les plus délicates ; une ville où tous les espaces autrefois communs, les places et les quartiers, ont été lotis et privatisés, où chacun défend et contrôle son morceau de territoire ; une ville où un simple mail nous permet de commander les courses qui sont livrées chez nous sans que nous ayons besoin de sortir et de perdre un temps précieux ; une ville où les médias sont devenus sophistiqués et interactifs, jusqu’à nous donner l’impression que nous sommes en compagnie de nombreuses personnes toute la journée, alors que nous passons de plus en plus d’heures seuls devant notre ordinateur ou devant la télévision CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE Alimentant les sources anciennes de réflexions contemporaines sur les biens relationnels, Luigino Bruni poursuit sa démonstration pour souligner que le marché est bel et bien un terrain où peuvent coexister don et contrat, économie et société, intérêt individuel et relations humaines saines. - Diane de Zélicourt, Revue Projet À PROPOS DE L'AUTEUR Luigino Bruni est Professeur d’économie à l’Université LUMSA de Rome et à l’Institut Universitaire Sophia. Historien de la pensée économique, il a publié sur le sujet de nombreux livres en italien et en anglais.
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