L’innéité aujourd’hui
Legimi
Une étude approfondie de la notion d'innéité Dans la seconde moitié du XXe siècle, la notion d’innéité est revenue au premier plan du débat intellectuel avec trois phénomènes connexes. Le premier est l’essor de la génétique moléculaire, qui confortait l’idée d’un programme contenu dans le génome, programme que l’individu biologique viendrait réaliser. Le second est la linguistique chomskyenne, qui a mis l’accent sur la nécessité de postuler une connaissance innée des principes de la grammaire universelle dans l’analyse de la faculté du langage. Le troisième est la constitution de l’éthologie, marquée par la contribution de Lorenz et par l’idée du caractère adaptatif de schémas comportementaux innés. La philosophie se voit ainsi invitée à repenser à une notion qui avait habité le débat classique entre rationalistes et empiristes, une notion dont l’usage se développe désormais dans des champs de recherche multiples et hétérogènes, qui vont de la médecine, avec l’extension de la classe des maladies génétiques, à la philosophie morale, puisqu’il a été par exemple soutenu que nous disposons d’une grammaire innée des jugements moraux. Le pari du présent volume, rédigé par des philosophes et historiens des sciences et par une linguiste, est de proposer une généalogie du débat, de distinguer entre les innéismes et de suggérer plutôt des solutions locales à des problèmes distincts qu’un paradigme unificateur. Sans doute ne sommes-nous pas, pour reprendre la formule de Leibniz, « innés à nous-mêmes », et nul ne peut se contenter de l’universalité abstraite d’une nature humaine qui serait toujours identique à elle-même. Mais il demeure nécessaire de réfléchir aux conditions sous lesquelles ont lieu le développement et l’apprentissage, aux conditions de la sensibilité au contexte et à celles de l’acquisition des différences. Sommes-nous, comme le pensait Leibniz, "innés à nous-mêmes" ? EXTRAIT On peut néanmoins se demander si la complexité du développement phénotypique ou l’impossibilité de montrer la prédominance causale des gènes pour la plupart des traits suffit à justifier l’abandon de la notion d’innéité. Ariew pense au contraire que ces difficultés peuvent être surmontées et qu’il est possible d’élaborer une approche de l’innéité compatible avec la complexité du développement. En effet, sa conception de l’innéité redéfinie comme « canalisation du développement » s’efforce de prendre en compte la complexité de l’ontogénie. S’inspirant de la théorie de l’embryologiste Conrad Waddington, Ariew assimile l’innéité à l’insensibilité à la variation de l’environnement, c’est-à-dire au degré auquel le processus développemental est lié à la production d’un état final particulier, en dépit des fluctuations environnementales de la situation initiale comme des conditions rencontrées au cours du développement. À PROPOS DE L'AUTEUR Denis Forest est professeur au département de philosophie de l’Université Paris Ouest Nanterre et chercheur associé à l’Institut d’histoire et de philosophie des sciences et des techniques (IHPST), Paris. Ses recherches sur les neurosciences sont à la convergence de la philosophie et de l’histoire des sciences, de la philosophie de la médecine et de la philosophie de l’esprit. Sous sa direction, plusieurs auteurs ont contribué à L'innéité aujourd'hui : Delphine Blitman, Marion Le Bidan, Samuel Lepine, Valentine Reynaud et Caroline Rossi.
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