Au nom du réalisme
Legimi
De quoi le réalisme est-il le nom ? Que dit-on exactement au nom du réalisme ? À qui et à quoi sert-il ? Si le réalisme implique un ça va de soi, les auteurs de ce livre démontrent en revanche que le mot, tel qu'il est employé, ne va jamais de soi. Autrefois élément de distinction entre pensée de droite et pensée de gauche, le réalisme apparaît aujourd'hui comme un mot-repère traduisant la dilution, recherchée par certains, des clivages traditionnels. Omniprésent depuis quelques décennies, y compris dans les discours dits de gauche, il est devenu une injonction qui témoigne notamment de la dérive du parti socialiste. Car le Réalisme est d’abord un mot de pouvoir, au sens où il est une arme de déconsidération massive : le brandir, c'est abolir et anéantir aussitôt toute alternative, tout discours d’opposition ; l'invoquer, c'est renvoyer immédiatement l'autre à ses idéaux, à son utopisme. Le réalisme n'admet pas la réplique. Il est donc aussi une injonction à ne pas concevoir ni à revendiquer la possibilité d’autres mondes, d’autres voies. C’est une assignation à se soumettre, à dire oui au monde tel qu’il est. Ou, désormais, au monde tel qu'il va, dissimulant, sous l'invocation du changement et de l'adaptation nécessaire, la perpétuelle reproduction du statu quo. Des années 1930-1940 à Manuel Valls, de Michel Rocard à Emmanuel Macron, cet ouvrage se propose de mieux comprendre les usages qui fondent le pouvoir d’un mot d’ordre, un mot de et du pouvoir. Deux spécialistes du langage décryptent les usages et les doctrines issus d'un mot de la vie politique devenu incontournable. EXTRAIT Apparu au début du XIXe siècle dans le champ de la philosophie pour désigner «l’existence du monde indépendamment de la perception du sujet », le mot réalisme est assez récent. Son sens courant (« avoir le sens des réalités et agir en conséquence ») commence, lui, à émerger au milieu du xixe siècle, ce qui correspond globalement au développement du capitalisme lors de la première révolution industrielle. À PROPOS DES AUTEURS Stéphane Bikialo est Professeur de linguistique et de stylistique contemporaines à l'Université de Poitiers. Il est l'auteur de Le Réel en vitrine. Les mots et les choses à l'ère du conditionnement (à paraître). Julien Rault est Maître de conférences en linguistique et stylistique à l’Université de Poitiers. Il est l'auteur de Poétique du point de suspension. Essai sur le signe du latent, Cécile Defaut, 2015.
18.20 PLN